Le marché de l’or est sujet à de nombreux préjugés et autres idées préconçues, dont la principale raison est son doublé rôle, monnaie et matière première. Il font donc rétablir la vérité et clarifier la situation.
L’or est une monnaie
Comment puis-je prétendre que l’or est une monnaie ? Après tout, ce n’est pas une monnaie officielle, hormis la réalisation de rares paiements par compte-or électronique. Il est donc fort peu probable de nos jours de constater un paiement de particulier avec l’or comme monnaie d’échange.
De plus, l’or est « démonétisé » par les plus grandes banques centrales. Ces dernières (hormis les Etats-Unis), bien que détentrices du pétrole jaune, se délaissent de leurs stocks sous prétexte de réaliser de meilleurs rendements sur obligation. Mauvaise raison, car l’objectif d’une réserve n’est certainement pas de produire des bénéfices.
Malgré ceci, nous savons que l’or est une monnaie d’échange puisqu’il est traité en tant que tel sur les marchés. Voyons si nous parvenons à le prouver.
L’offre et la demande d’or
Si le prix de l’or était uniquement déterminé par la demande émanant des secteurs de l’industrie et de la bijouterie, il ne pourrait s’échanger au prix de 650 $ l’once.
De nombreux analystes, des plus traditionnels aux plus marginaux (tel le Gold anti-trust Action Comittee, GATA), affirment pouvoir prédire l’évolution du prix de l’or. Et ce en additionnant quantité annuelle de fabrication et demandes d’investissements (tout comme la demande de déhedging des marchés miniers). Le résultat obtenu est modulé en fonction de l’offre annuelle (approvisionnement des mines, ventes des banques centrales, ventes d’investissements et récupération) In fine, ils analysent le marché de l’or de la même manière qu’ils analyseraient le marché du cuivre.
Il semble évident que cette analyse ne correspond pas à la réalité. Après tout, le potentiel d’or déjà extrait (approximativement 150,000 -160,000 tonnes) est encore là. En d’autres termes, la quantité d’or potentiellement disponible est supérieure d’environ 97 à 98 % à la quantité d’or produite chaque année (environ 2600 tonnes).
Sur cette base, appliquer une théorie traditionnelle « offre/ demande » des matières premières fondée sur les tendances annuelles du marché de l’or n’a aucun sens.
Plus simplement, il existe une grande différence entre les matières premières qui sont réellement consommées (hormis les produits de récupération revenant chaque année sur le marché) et celles dont la durabilité et l’indestructibilité en font une « matière première monnaie », en l’occurrence l’or (et ce selon le dictionnaire Inter Alia).
Demande joaillière et demande monétaire
Nous pouvons davantage illustrer la nature unique de l’or en tant que monnaie en comparant son prix face à la demande des joaillers. Si une demande record de la part du secteur de la bijouterie a un impact direct sur la hausse du prix de l’or, alors une corrélation entre les deux événements devrait en théorie pouvoir être établie.
Cependant, l’histoire nous prouve le contraire. En effet, la demande exceptionnelle d’or émanant des joailliers entre 1999 et 2000 coïncide avec le niveau le plus bas du prix de l’or (et ce dans un marché à la baisse depuis plus de 20 ans). C’est donc l’exact opposé de ce que suggère une analyse traditionnelle de l’offre et la demande.
Nous pouvons par conséquent en conclure qu’il doit exister une demande d’or supérieure à celle émise tant par le secteur de la joaillerie que par les industriels. Et que celle-ci constitue donc le facteur réel du prix de l’or en termes de monnaie fiduciaire.
Et en effet une telle demande existe. Il s’agit de la « demande monétaire ». Associée à la quantité d’or disponible, elle se définit mieux comme « degré de réticence des détenteurs d’or à se défaire de leurs stocks au prix actuel ». N’oublions pas, comme nous venons de le dire précédemment, que 160,000 tonnes d’or sont d’ores et déjà détenues.
De fait, l’or se comporte sur les marchés comme une devise plutôt que comme une matière première. Il verrouille souvent les cours croisés des autres devises, tel l’eurodollar et a une forte tendance à ignorer les analyses classiques « offre-demande » (y compris réalisées par le Conseil Mondial de l’or, qui, pourtant, devrait être capable de voir plus loin).
Une augmentation du prix de l’or entraîne généralement une baisse de la demande du secteur joaillier, ce qui est exactement ce que suggère la théorie de l’élasticité des prix. Mais dans le même temps une augmentation des prix renforce la demande d’investissements. De la même manière une hausse sur le marché des stocks encourage une plus forte demande plutôt que le contraire.
Le niveau record de la demande de l’industrie joaillière coïncide avec le niveau le plus bas du prix de l’or, et ce dans le contexte d’un marché en baisse depuis une vingtaine d’années. Mais alors, quel élément fait grimper le prix de l’or ? Nous savons aujourd’hui que c’était la demande monétaire, puisque la production totale d’or est fondamentalement au ralenti depuis 1999.
De façon assez ironique, le graphique démontre également que le prix de l’or chute depuis plus de vingt ans alors même que la demande de production était en augmentation. Ceci est une preuve supplémentaire que la demande de production n’est pas le facteur le plus important sur le prix de l’or. Enfin, il faut également remarquer qu’une part de la demande du secteur joaillier, tout particulièrement en Inde, n’est en réalité qu’une demande monétaire déguisée.
Toutes les grandes maisons de courtage commettent la même erreur : attacher de l’importance à la demande émanant du secteur joaillier afin de définir le prix de l’or. Cela conduit même les meilleurs agents financiers à commettre des fautes, comme le prouve ce qui suit :
Jean-Marie Eveillard, le légendaire gestionnaire de fonds, a récemment déclaré dans une interview pour Fortune :
« Lorsque nous avons démarré notre fond d’or en 1993, ce qui s’avéra être six ou sept ans trop tôt, je croyais à tort que notre risque de chute du cours était protégé par le dynamisme de la demande du secteur joaillier. Mais j’avais tort. Je crois que le prix de l’or monte et descend principalement en fonction de la demande d’investissement »
Dans un même temps, le Conseil Mondial de l’Or tente d’évaluer « la demande potentielle d’investissement » de l’or et la dé-thésorisation, en ajoutant l’offre annuelle (production des mines, récupération et recyclage, ventes des banques centrales et hedging) puis en comparant le résultat à la demande industrielle. D’après lui, la différence doit représenter la demande en investissement (la demande en or des ETF figure sans doute aujourd’hui dans ces calculs).
Cependant, comme nous l’avons auparavant remarqué, la demande d’investissement s’exprime également par la réticence des détenteurs d’or à vendre à un prix donné. Cette réticence ne saurait être mesurée et par conséquent, la demande réelle d’investissement ne saurait être quantifiée.
Production minière et demande totale.
Un autre point spécifique quand à l’offre et la demande du marché de l’or c'est que lorsque le prix de l’or augmente, la production minière fléchit et chute. Il existe deux raisons à ce phénomène inhabituel.
- Lorsque le prix de l’or est bas, les mines sont contraintes d’extraire des quantités plus importantes de leurs gisements. Et une fois le cours de l’or reparti à la hausse, les sociétés minières n’exploitent de nouveau que des zones « à teneur réduite » en or, lesquelles n’étaient pas rentables lorsque le prix de l’or était à la hausse.
- Durant les périodes où le cours de l’or est faible, les sommes d’argent consacrées à l’exploration sont amoindries. Ainsi, lorsque le prix de l’once augmente, peu de mines sont capables de fonctionner afin de prendre le relais des mines affaiblies. Il peut parfois s’écouler entre 7 à 10 ans entre la découverte d’un gisement rentable et le début de son exploitation.
Quelle est la motivation de la demande d’or ?
Afin de répondre à cette question, il faut d’abord se souvenir de la manière dont l’or a évolué pour enfin devenir une monnaie.
Tout d’abord, l’or a toujours été une matière première utile pour la réalisation et fabrication de bijoux et autres ornements de décoration. Il existait ainsi une demande préalable qui permit d’aboutir, entre autre, au troc.
De plus sa résistance à la corrosion, sa divisibilité, fongibilité et facilité avec laquelle l’or peut être transporté ont joué en sa faveur. L’utilisation en tant que monnaie était alors acquise. Enfin, sa rareté et le fait que la quantité d’or disponible a peu de chance d’augmenter soudainement (et ce malgré les souhaits des autorités émettrices d’argent) en font un candidat idéal comme valeur refuge ;
Un seul fait historique vient contredire ce dogme. Au XVIIe siècle, l’Espagne a en effet importé (volé) de l’or du Nouveau Monde, provoquant ainsi une inflation en Europe ; Aujourd’hui, la production minière représente environ 2% des réserves annuelles totales d’or, et il y a peu de chances que ce pourcentage évolue beaucoup. Ainsi, une inflation basée sur l’or serait très improbable de nos jours.
Ce dernier point (l’état ne peut créer de l’or à partir de rien) est au cœur de cette demande monétaire de l’or.
Dans notre système moderne de monnaie fiduciaire, avec ses systèmes de réserves bancaires fractionnées et ses devises flottantes de papier, l’or est la seule forme de monnaie à l’abri de la prédation inflationniste des banques centrales. Par conséquent, il sert de baromètre de confiance dans un système financier comprenant des banques centrales.
Si l’on considère que le dollar US a presque perdu 97% de sa valeur initiale par rapport à l’or depuis la création de la Réserve Fédérale, nous pouvons en conclure que la confiance dans la monnaie fiduciaire a diminué rapidement dans le temps. Il est certain que cette tendance ne s’inversera pas sur le long terme et connaîtra des fluctuations occasionnelles selon que la confiance portée en la monnaie papier (ou électronique) augmente ou diminue.
Malheureusement, ce triste état des lieux ne semble pas inquiéter les ingénieurs de l’inflation. Ils ne s’inquiètent que lorsque le changement est trop rapide (si rapide que tout le monde le remarque alors). Nous devrions ajouter que dans la tête de chaque bureaucrate monétaire, une petite voix murmure ceci : « Le moment venu, nous pourrons toujours faire machine arrière par la force ». Après tout, cela ne serait pas la première fois.
Une question de temps
Sur le court terme, les raisons pour lesquelles les détenteurs d’or refusent de vendre (et parfois renforcent même leurs positions) résultent souvent de préoccupations telles les taux d’intérêts réels, les attentes inflationnistes, le spread entre taux d’intérêt à court et long terme comme protection contre toute distorsion possible de la politique monétaire, et la valeur d’échange du dollar US.
Généralement l’or est un actif contra-cyclique davantage performant en termes réels lorsque les liquidités s’évaporent. Cependant, il peut parfois exister une demande pro-cyclique, et ce lorsque le cours des actions, matières premières et prix de l’or croissent considérablement tandis que les liquidités sont plus abondantes.
Enfin, de telles fluctuations du prix de l’or rappellent la célèbre remarque de Warren Buffet à propos de marché de l’action, « machine à voter sur le court terme, et une machine à peser sur le long terme ». Sur le court terme, de nombreux éléments peuvent être utilisés afin d’expliquer les fluctuations du prix de l’or, mais sur le long terme, l’or se comporte comme baromètre de confiance dans la monnaie fiduciaire émise par les banques centrales.
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