jeudi 24 avril 2008

La FED ne parviendra pas à sauver l’économie US de la recession

par Bill Bonner article original

Nous sommes au mois où les réajustements de taux atteignent leur sommet -- avec près de 120 milliards de prêts hypothécaires réajustés à la hausse. Naturellement, on s'attend à voir les Américains se sentir gênés aux entournures... surtout avec les prix de l'énergie et de l'alimentation à des niveaux record.

"Les Américains commencent à réfréner leur soif de carburant", titre un article du Wall Street Journal.

Les ventes de voitures ont chuté en février aux Etats-Unis -- comme on pouvait s'y attendre. Les détaillants annoncent des ventes en baisse. Et l'économie elle-même, la dernière fois qu'on a regardé, n'avançait ni ne reculait -- elle restait immobile.

Cela poussé certains critiques à émettre un jugement hâtif :

"Le sauvetage de la Réserve fédérale a échoué", annonçait le journal britannique The Telegraph. Ambrose Evans-Pritchard, éditeur du journal, déclare : "le verdict est tombé. La baisse de taux d'urgence décidée par la Fed en janvier a échoué à enrayer la spirale baissière menant vers une déflation pure et simple. Des actions bien plus radicales seront nécessaires".

"Les rendements des bons du Trésor US à deux ans ont plongé à 1,63% vendredi durant une fuite vers la sécurité augurant d'un hiver financier. Les marchés de la dette gèlent encore plus profondément, huit mois après le credit crunch. La contagion gagne les zones les plus sûres de l'univers du crédit US".

M. Evans-Pritchard évoque ensuite la Port Authority de New York, qui gère les ponts, terminaux de bus et aéroports dans la région de New York, New Jersey. La Port Authority est soutenue par le gouvernement fédéral et le gouvernement de son état. Pourtant, lorsqu'elle a voulu emprunter de l'argent, on l'a traitée comme le plus risqué des emprunteurs à risque... et elle s'est vue forcée de payer des taux de 20%.

"Je ne pensais pas voir une telle chose de mon vivant", déclare James Steele, économiste chez HSBC à New York.

"Les banques ont brièvement utilisé le marché comme laboratoire pour faire apparaître des prêts de long terme avec les taux courts quasi-gratuits d'Alan Greenspan", continue Evans-Pritchard. "Ca ne marche plus. Ensuite viendront les 45 000 milliards de dollars du marché des credit default swaps (CDS)".

"La dette subprime se fait de plus en plus profonde. Des titres notés A émis début 2007 ont chuté à un plancher record de 12,72% de leur valeur nominale vendredi. La tranche BBB atteignait 10,42%. Les tranches 'toxiques' n'ont plus aucune valeur".

"Pourquoi est-ce que ça ne finit pas ? Parce que les prix des maisons américaines sont en
chute libre".

L'article continue en précisant que nous n'en sommes qu'à la moitié de la tempête des réajustements de prêts. Attendez-vous à du gros temps, affime Evans-Pritchard.

A la Chronique Agora, nous sommes moins pressés de prononcer un jugement sur le plan de sauvetage de Bernanke pour l'économie US. Nous n'en avons pas besoin. Nous savions que c'était une erreur dès le début. Nous ne savions pas exactement comment les marchés réagiraient, mais l'idée de secourir des gens trop endettés en leur prêtant plus d'argent nous semblait un peu comme de servir des martinis à une réunion des Alcooliques Anonymes ; cela ne pouvait qu'engendrer des problèmes.

Le problème qui semble nous arriver est connu sous le nom de "stagflation". Les prix grimpent, mais il en va de même pour le chômage. Ce n'est pas ce qui était censé arriver. L'inflation était censée pousser les consommateurs à dépenser de l'argent et les entreprises à embaucher. Mais les gens finissent par comprendre le truc. Ils se débarrassent rapidement de leur argent... et les prix grimpent effectivement. Cependant, ils réalisent aussi que ce n'est pas un vrai boom... mais un boom bidon. Les entreprises ne se développent donc pas... n'embauchent pas... et ne gagnent pas plus d'argent. Elles augmentent les prix, mais leurs coûts grimpent aussi.

Malgré tout, le terme "stagflation" rassure les gens. Ceux qui ont plus de 40 ans se souviennent de la stagflation des années Nixon. Rétrospectivement, ce n'était pas si épouvantable. Mais là aussi, nous sommes d'un autre avis que la plupart des observateurs. Ce n'était pas si épouvantable à l'époque parce que l'économie américaine était bien plus forte -- assez forte pour avaler l'amère pilule de Paul Volcker... et survivre.

Cette fois-ci, les autorités financières n'ouvrent même pas l'armoire à pharmacie. Elles ont peur que le patient ne supporte pas le traitement. Au lieu de ça, elles administrent l'élixir même qui a mis l'économie dans le pétrin -- plus de cash et de crédit.

Des conditions différentes... un traitement différent... nous obtiendrons sûrement un résultat différent. A suivre...

Les coûts du credit crunch continuent de grimper. Chaque nouvelle estimation est plus élevée que la précédente. Les derniers chiffres de l'Union Bank of Switzerland parlent de 600 milliards de dollars. L'économiste Nouriel Roubini monte plus encore -- à 1 000 milliards de dollars. Bien entnedu, ce sont là uniquement les pertes directes... les liquidités qui ont disparu. Il y a également les pertes en termes de richesse implicite (et les changements qui s'ensuivent pour les dépense et les plans d'épargne retraite) dues à la chute des prix de l'immobilier un peu partout. Le marché de l'immobilier résidentiel vaut environ 20 000 milliards de dollars. S'il baisse de 30% sur tous ses segments, comme on s'y attend, cela représentera une perte de plus de 6 000 milliards de dollars.

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