jeudi 24 avril 2008

La Fed sauvera-t-elle les Etats-Unis de leurs dettes ?

par Bill Bonner article original

Nous vivons sur "une planète à effet de levier", selon le New York Times. Le journal explique qu'une once d'effet de levier à Manhattan a toutes les chances de se transformer en une livre de crédit à Dubai... laquelle pourrait tout à fait tomber sous la forme d'une tonne de dettes sur la tête de quelqu'un en Norvège. Les pêcheurs norvégiens ont été surpris d'entendre qu'ils encaissaient les pertes sur les dettes subprime des Etats-Unis. Idem pour les dentistes allemands.

Mais c'est comme ça, la mondialisation. Nous n'avons rien contre, mais s'il y en avait moins, cela ne nous dérangerait pas. Et c'est là qu'apparaît la grande question : la planète à effet de levier fait-elle jouer encore plus d'effet de levier... ou moins ?

Ah, cher lecteur... c'est là que l'inflation et la déflation font cause commune. Toutes deux dénouent l'effet de levier... réduisant la valeur de la dette -- soit par le défaut de paiement soit en diminuant la valeur de la dette elle-même. C'est là la vraie histoire des marchés financiers... et du marché immobilier : l'effet de levier ne fonctionne plus. Un prêt hypothécaire résidentiel valant 200 000 $ il y a deux ans n'en vaut peut-être plus que 150 000 aujourd'hui, par exemple. Bear Stearns -- qui valait des milliards il y a quelques mois -- ne vaut plus que des broutilles.

L'inflation aussi pèse sur l'effet de levier. Tous ces dollars US détenus à l'étranger (et aux Etats-Unis, d'ailleurs)... tous ces bons du Trésor libellés en dollars... toutes ces reconnaissances de dettes libellées en dollars... tous perdent de la valeur à mesure que l'inflation grimpe. Prenez par exemple les quelque 2 000 milliards de dollars en-dehors des Etats-Unis. Chacun d'entre eux représente une partie des actifs américains -- des terrains, des maisons, des tracteurs, des aliments, des actions, des immeubles, et ainsi de suite. A mesure que l'inflation fait grimper les prix, chacun de ces dollars chute... ils achèteront une moins grande quantité de ce que les Etats-Unis ont à offrir.

Nous parlons de la bataille qui fait rage entre l'inflation et la déflation. Mais c'est un moyen de gagner quel que soit le vainqueur. Vous voulez un pari sûr ? Pariez sur le dénouement des positions à effet de levier. Comment s'y prendre ? Il y a plusieurs méthodes. Vendez les secteurs fournissant ledit effet de levier, par exemple -- l'industrie de la finance.

Et l'économie américaine elle-même, pendant ce temps ? Ah... tant de saisies... si peu de temps.

L'alimentaire grimpe de 9%. Les maisons baissent de 11%. Que peut faire un propriétaire endetté, sinon partir ? Selon USA Today, ils sont si nombreux à partir, à Denver, que cela produit un "exode" aux proportions bibliques. Dans certains quartiers, une maison sur huit est saisie. L'an dernier, pour toute la ville, le total était de une maison sur 32.

Où vont tous ces gens ? Ils louent, bien entendu. Sur le marché locatif, les taux d'appartement vides ont chuté, passant de 10% il y a deux ans à 5% aujourd'hui.

Tout se déroule selon le plan, selon nous. L'empire est en train de rendre l'âme. Dans cette phase décadente avancée, le gouvernement impérial doit fournir du pain -- sous la forme de coupons alimentaires en plastique... et des jeux -- sous la forme de conventions nationales du parti, d'élections et des guerres à l'étranger. Cette combinaison apaise le public... et le distrait.

Les gens deviennent dociles, soumis, prêts à faire la queue pour se protéger de menaces inventées de toutes pièces... et prêts à supporter toutes les sottises, aussi grotesques, absurdes ou déloyales soient-elles.

Les dernières nouvelles financières nous apprennent que de nouvelles propositions de "réglementer" Wall Street sont nées... ainsi que de nouvelles initiatives pour "sauver" les propriétaires. Le marché libre est out. La "responsabilité publique" est à la mode.

Henry Paulson, secrétaire au Trésor US :

"Je pense que vous continuerez à voir de la flexibilité à mesure que nous apprenons et avançons", dit-il -- un changement par rapport à sa chanson du mois dernier, où il déclarait que les propositions d'utiliser les fonds gouvernementaux étaient "un mauvais départ".

Pourquoi serait-ce un bon départ maintenant ? Les gens en viennent à croire ce qu'ils doivent croire quand ils doivent le croire, observons-nous. Tant les citoyens individuels que le gouvernement ont contracté des obligations qu'ils ne peuvent absolument pas remplir. Dans la mesure où elle ne peut être payée, il faut faire disparaître la dette. Le monde -- ou du moins sa partie anglo-saxonne -- doit dénouer ses positions à effet de levier. Les gens doivent donc croire à un fantasme selon lequel le gouvernement va "tirer d'affaire" les propriétaires... et la Fed va "secourir" Wall Street.

Comment pourraient-ils accomplir de tels miracles ? Lorsqu'un homme ne peut pas rembourser sa maison, le gouvernement peut-il faire disparaître le prêt ? Lorsque Wall Street a fait une gaffe -- oubliant de vendre ses dettes pourries avant qu'elles ne commencent à empester -- que peuvent y faire les autorités ? Elles ne peuvent que vaporiser du déodorant dans toute la pièce.

Pourtant, les électeurs ont été conditionnés par la télévision, l'éducation publique et peut-être une mystérieuse substance dans l'eau ; les gens croient n'importe quoi. Et ce qu'ils doivent croire, actuellement, c'est que les autorités peuvent, d'une manière ou d'une autre, soulager leur douleur. Cela permettra de passer les dettes impossibles à payer à la charge du gouvernement -- où elles resteront impayées.

Parmi tous les grands débiteurs aux Etats-Unis, en cet an de grâce 2008, un seul a le pouvoir de rembourser ses dettes -- quelle que soit leur taille. Un seul possède une planche à billets imprimant des morceaux de papier portant le portrait de présidents morts. Et un seul peut échanger des mauvaises dettes contre des faveurs politiques. Il s'agit bien entendu du gouvernement fédéral américain... le prêteur de premier et dernier recours.

La Fed a déjà porté à son bilan près de 30 milliards de dollars de nantissement malodorant de la part de Bear Stearns... et des milliards encore de la part d'autres institutions financières. Ce n'est qu'un début. D'une manière ou d'une autre, tout cet assortiment d'erreurs, de mauvaises évaluations et de mauvais calculs nourris par l'avidité terminera sur les épaules du Trésor US... des citoyens américains... et des détenteurs de dollars partout dans le monde.

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