mardi 22 avril 2008

La Fed va faire faillite à cause de Bernanke et Greenspan

par Jim Rogers article original

Nos correspondants américains cèdent la parole à Keith Fitz-Gerald, du New China Trader : Keith a réalisé une longue interview de Jim Rogers, spécialiste des matières premières, que nous vous proposons par épisodes tout au long de la semaine.

Keith Fitz-Gerald (Q) : En ce moment, de grosses sommes d'argent convergent vers et autour de la Chine. Pensez vous que les Etats-Unis, avec tous les problèmes qu'ils rencontrent actuellement, risquent d'être laissés de côté ?

Jim Rogers : Absolument.

Le dollar US est une devise terriblement défectueuse. J'essaye de sortir tout mon argent du dollar. Je ne vois pas pourquoi quiconque investirait dans le dollar, et par extension, dans les Etats-Unis, au vu de la situation actuelle. L'Amérique est probablement la nation la plus endettée que le monde ait jamais vue !

La dette extérieure des Etats-Unis augmente au rythme de 1 000 milliards de dollars tous les quinze mois. Cette dette dépasse aujourd'hui les 13 000 milliards de dollars et elle augmente très rapidement. C'est la politique officielle de la banque centrale : dévaluer la devise. Ils tentent de faire chuter le dollar.

Q : Le gouvernement a parfaitement bien réussi jusqu'à maintenant.

Rogers : Et vous n'avez encore rien vu !

Ils essayent de dévaluer le dollar. J'essaye d'être patriotique. J'essaye de vendre des dollars. C'est ce qu'ils veulent. J'essaye donc de les aider à faire chuter la valeur de la devise. Tous les Américains devraient faire de même...

Mais la plupart des gens -- enfin, surtout moi -- se joignent à ceux qui essayent d'éviter le dollar, parce que Washington a envoyé un message très clair : "nous voulons que le dollar s'effondre. Nous ferons de notre mieux pour qu'il s'effondre".

A chacun de prendre ses décisions. J'essaye de faire ce que la Fed attend de moi, et je vends des dollars.

Q : Selon moi, l'ancien président de la Fed, Alan Greenspan, et le directeur actuel, Ben S. Bernanke, pourraient être considérés comme les pires présidents de toute l'histoire de la banque centrale. N'êtes-vous pas de mon avis ?

Rogers : [Bernanke] et Greenspan vont sûrement, à eux deux, mener la Fed à sa perte. Deux banques centrales ont fait faillite ici aux Etats-Unis. Cette troisième banque centrale va faire faillite elle aussi, à cause de Bernanke et Greenspan.

Il y a deux semaines, la Fed a ajouté 200 milliards de dollars à son bilan d'hypothèques. Je ne sais pas jusqu'où ils pourront étendre ce bilan, mais s'ils continuent de cette façon, c'est tout ce qui leur reste. C'est peut-être infini. J'en doute. Mais on peut prétendre qu'il n'y a pas de limite ; il suffit d'imprimer de l'argent au Zimbabwe ou ailleurs. Tout ça aura une fin... mais c'est vraiment insensé.

Q. (Keith Fitz-Gerald) : Pensez-vous qu'il y ait un espoir pour que les Etats-Unis s'en sortent, sous certaines conditions, ou le pays est-il condamné à devenir un perdant économique ?

Rogers : Historiquement, les pays qui se sont retrouvés dans ce genre de situations ne s'en sont sortis qu'après une crise ou une semi-crise, voire un énorme coup de chance.

Le Royaume-Uni s'en est sorti grâce à la découverte de la mer du Nord. Donnez-moi le plus gros puits de pétrole du monde, ou l'un des plus gros, et moi aussi je vous sors le pays de ce marasme. Si vous avez un gros coup de chance [vous pouvez échapper à ce genre de problèmes], sinon, personne n'a encore pu régler des problèmes de ce type sans passer par une gigantesque crise ou au moins une semi-crise.

Aux Etats-Unis, la plupart des gens ne sont pas conscients du problème !... Les USA ne réagiront pas tant que les choses n'iront pas très très mal.

D'autres proposent une réponse en disant que la chute du dollar rend les Etats-Unis compétitifs -- réponse qui fonctionne à court terme. Mais aucun pays ne s'est jamais remis sur pied en faisant chuter sa devise, pas à long terme ni même à moyen terme.

De nombreux pays ont pensé trouver une solution en dévaluant leur devise. Mais ça n'a jamais fonctionné, si ce n'est à très, très court terme.

Q : Serions-nous en train d'assister à une décennie de pertes économiques semblable à celle que l'on a vue au Japon dans les années 1990 ?

Rogers : La Fed fait la même erreur que les Japonais à l'époque. Ils essayent de dire : "nous n'abandonnons personne. Nous allons imprimer beaucoup de devises. Nous allons baisser les taux d'intérêt à zéro. Et nous ne voulons pas que qui que ce soit fasse faillite. Nous poserons autant de pansements que nécessaire".

Sauf que poser des pansements sur un patient atteint de cancer n'a jamais été une solution.

Arthur Burns, qui dirigeait la Banque centrale américaine dans les années 1970, a fait exactement ce que Bernanke est en train de faire aujourd'hui. Il s'est précipité pour imprimer plus de devises en disant "oh, tout va s'arranger".

Mais l'économie ne s'est jamais remise, l'inflation a atteint des sommets et le dollar s'est retrouvé sous pression. Il leur a fallut appeler Paul Volcker à la rescousse ; les taux d'intérêt ont dépassé les 20%. Ils ont finalement tué l'inflation et résolu le problème.

[Les autorités actuelles] font exactement les mêmes erreurs que Burns en son temps. Pourtant, ce problème va durer bien plus longtemps que tous les autres aux Etats-Unis. Il va même certainement empirer.

Parce que, maintenant, les Etats-Unis sont un pays endetté. Nous sommes le pays le plus endetté du monde. Au moins, dans les années 1970, nous étions encore créditeurs. Le Japon a pu survivre parce qu'il était le plus gros créditeur à l'époque. Cela leur a permis de ne pas disparaître de la surface de la terre.

L'Amérique est aujourd'hui le pays le plus endetté que le monde ait jamais vu. Et l'avenir ne s'annonce pas sous les meilleurs auspices...

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